À nos plumes !
L’humanité est vivante ; comme une langue, elle évolue ; comme une phrase qui assemble des mots, elle se compose d’individus, mais elle n’est pas catalogue, elle n’est pas dictionnaire, elle n’est pas lettre morte, pas plus qu’elle n’est définition. Elle est ensemble, constitué de parties qui s’articulent selon des lois qui structurent et réglementent les rapports qu’entretiennent les humains entre eux.
L’humanité a ses règles de l’art, comme l’écriture ; elle a ses conjonctions de coordination, ces petits mots invariables qui servent à apparier deux mots, deux groupes de mots, mais aussi deux individus, deux groupes d’individus, deux désirs, deux idées ; ces vocables qui semblent insignifiants, mais qui associent ce qui ne s’épouse pas forcément en toute impunité. Ainsi additionner des courges et des carottes dans un même panier est possible, or cela devient incongru, impensable en mathématiques. Autre langue, autres mœurs, car la langue conditionne plus qu’elle n’y paraît.
Ses sons, son phrasé, ses conjugaisons comme ses déclinaisons organisent la pensée d’une façon certaine. Les conjonctions de coordination sont donc de l’huile versée sur les rapports que nouent les mots entre eux. Pas d’exclusion, des mais parfois, des or, des ou, des car pour expliquer et se faire comprendre ; des soit, qui ponctuent à la façon d’un point final, ou signent une nouvelle impulsion qui viendra juxtaposer deux propositions avant d’inviter à choisir.
Car un choix intervient forcément au détour de ce qui se parle, de ce qui s’écrit, de ce qui se pense. Choisir divise parfois quand il convoque des êtres dont les visions divergent. Adieu alors les conjonctions de coordination et bonjour les subordinations qui viennent souligner un lien de dépendance, arguant qu’un choix aura ses conséquences et peut porter conflit là où des propositions circonstancielles de lieux, de temps, viennent satisfaire ou contrarier les sujets concernés.
Là encore, la langue vient dire à l’humanité en mouvement que l’identité change doucettement, sans même en avoir l’air. Là où était le sujet hier, un groupe nominal est d’usage aujourd’hui ; la grammaire comme l’existence invite à sortir de l’isolement, de l’individualisme en globalisant. En portant le sujet au rang de groupe nominal, elle sème ainsi incognito les graines d’un futur à cultiver. Sans ambages, elle susurre à qui veut l’entendre que le groupe est l’avenir de l’homme et qu’il sera en temps et lieu utiles, le terrain de l’altruisme, quand le sujet restera personnel au cœur d’un égoïsme occultant savamment toutes les propositions coordination.
Avec les, mais, où est donc Ornicar, nous voilà donc en capacité de faire du lien social et d’œuvrer à inventer de nouveaux écrits qui révéleront comme le suggère une langue, que l’humanité est un tout dont il convient de prendre soin. Pas question cependant de la traiter comme un pronom indéfini ; ce Tout est Un, composé de multiples unités, et nul ne doit être laissé sur le bord du chemin. Chacun doit apparaître comme personnage défini dans une saga qui s’écrit et soigne le style en usant sans modération des conjonctions de coordination, et non comme objet de manipulation au cœur d’un roman noir et apocalyptique.
L’humanité est vivante et il nous revient d’écrire collectivement son devenir.
À nos plumes !