Ça pinaille

 In La rubrique de Frédérique

En fin d’été autant qu’en fin d’hiver, les énergies qui habitent la Terre poussent les humains à engager de grands ménages, à trier tiroirs et placards, à purifier leurs intérieurs sans qu’ils se soient donné le mot, comme s’ils préparaient un renouveau ; comme s’il leur fallait faire place nette pour que germe au cœur du quotidien, un soupçon d’inconnu à cultiver ; c’est la rentrée ! Rentrée des classes, des universités, rentrée de vacances, rentrée littéraire, rentrée triste, joyeuse, attendue, redoutée, rentrée qui n’épargne personne. Car ceux qui n’ont pas eu de vacances, qui ne lisent pas, qui n’apprennent plus, et qui ne cherchent plus à s’inscrire à des activités ni à renouveler une inscription, sont aussi imprégnés de cet air d’automne qui ne renie personne et porte son lot d’espoir, de désespoir, de projets, d’attentes, d’invitation ou d’évitements.
C’est la rentrée, et cette rentrée s’habille parfois de neuf quand elle ne cherche pas à maintenir vaille que vaille la même indéboulonnable attitude qui s’est forgée pignon sur rue, en jalonnant ostensiblement nos trajets ordinaires.

Mais quand le nouveau s’oppose à l’habitude, l’habitude pinaille, ratiocine, se fait ergoteuse pour élever des remparts aux changements et se garder de toute évolution ; elle cherche à ranger dans les cases d’hier, les programmes originaux qui ne souffrent pas d’être à l’étroit dans des vêtements qui ne sont pas à leur taille. Et voilà que surgissent les dilemmes entre garder et jeter, entre statu quo et ouvertures, entre les « encore » et les « jamais plus », entre envies et replis, entre jeunesse et sclérose, entre présence et absence à la vie qui se veut créatrice.

Nul n’est à l’abri de ces mouvements de yoyo qui peuplent, agitent dans le faire et dans l’être l’ensemble des existences pour qu’elles accouchent du brin d’inédit en croissance perpétuelle. Ainsi s’écrit l’encyclopédie de la saga humaine. Tous les romans particuliers traitent d’un mariage entre essence et existence dans des proportions variables, et tous témoignent d’une création plus ou moins éclairée, plus ou moins passionnante, plus ou moins consciente et plus ou moins adaptée.
Entre ces plus et ces moins, s’insinue parfois une jauge pinailleuse qui tout en dessinant l’échelle qui va du moins au plus, s’arcboute sur des détails qui masquent
souvent l’avancée imperceptible, mais bien réelle qui colore chaque nouvelle rentrée.

Après le grand ménage, l’occasion de revoir la décoration, de réagencer les intérieurs, les extérieurs, de revisiter le visible comme l’invisible s’offre largement ; telle une esplanade qui invite chacun à prendre de l’espace, de la hauteur, de l’élan pour inventer des figures novatrices, et inspirantes pour qui cherche à les percevoir.
À chaque grand ménage, un changement se propose y compris quand un brin de conservatisme s’y oppose. De rentrée en rentrée, malgré des pinaillages et des refus, nos sacro-saintes habitudes physiques, émotionnelles, mentales lâchent pour adopter cet inconfort teinté d’excitation qu’est le « sans précédent », pour réinterroger passé et présent et se faire porteuses d’avenir.

À nos plumeaux !

 

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