Carêment silencieux
Silence de quarantaine, silence de retraite qui invite à l’intériorité propice à accueillir l’essentiel sur fond serein.
Silence qui voit s’inscrire tous les mots, tous les maux qui cherchent à parler pour prendre place dans le jeu quotidien.
Silence qui invite aux renoncements pour que s’éditent de nouvelles donnes au présent.
Mais… il ne suffit pas de taire sa parole, de brider ses désirs ou ses différents corps pour être silencieux ; il ne suffit pas d’empêcher les bruits de se manifester pour pénétrer le silence. Il ne suffit pas, car de multiples immobilités sont requises pour entrer en vacuité, pour laisser émerger ce qui agite, ce qui s’ébroue dans la cacophonie de nos intérieurs, le reconnaître, le traiter, et le transmuter.
Alors, et seulement alors, l’entrée en silence dévoile la porte qui mène au lieu secret d’où se déversera muettement l’essentiel que nous sommes en capacité d’enregistrer sur les espaces vierges que nous offrons. Alors, et seulement alors, nous nous imprégnerons de ce qui cherche à se dire pour accompagner ce qui doit être au plus près de nos possibilités.
C’est à cette condition que nous délaissons ce sempiternel même, pour nous hisser sur une volute supérieure de la spirale évolutive.
C’est à cela qu’invite le carême.
Quarante jours pour laisser s’évanouir le futile, l’inutile, certaines enflures du moi qui empêchent d’entendre le murmure de l’âme.
Quarante jours pour offrir hospitalité à la qualité que nous souhaitons adopter, pour la faire nôtre et la porter sans limites.
Quarante jours de vigilance pour ne pas céder à la tentation omniprésente et sournoise qui ne manquera pas de surgir
Quarante jours de purification, mais pas de privation, car la purification rend léger quand la privation rétracte.
Quarante jours pour réfléchir le meilleur dont nous sommes dotés, après l’avoir déniché sur le mont de notre quintessence.
Le carême est une invitation, une proposition de voyage vers les contrées subtiles de l’être pour découvrir l’intime conviction qu’il convient d’incarner nouvellement.
C’est un appel à la simplicité, au dépouillement, pour poursuivre la route, libéré.
Il propose pour accueillir le printemps, de s’offrir comme écrin à ce qui se déposera chez chacun au cours de cette joyeuse retraite. Car le carême est une retraite ; une retraite qui n’est pas fuite ni repli, mais entrée en solitude pour faire le tri et choisir ce que nous décidons consciemment de garder pour fouler le chemin sans embarras. Cela impose de se délester des poids lourds du passé, de tout ce qui englue les relations, de dissiper les brumes qui floutent les visions pour se vêtir de disponibilité.
Le carême est une façon de s’habiller le cœur, le corps et l’esprit pour célébrer au mieux les noces radieuses auxquelles nous sommes conviés, porter ensemble un message d’unité et s’atteler à le faire vivre en le rayonnant pleinement.
Avec ses quarante jours de recueillement, le carême est une ode à l’amour.