Considérons-nous
Le mot invite à nous regarder avec respect, avec admiration, parfois avec une certaine déférence, mais le mot trompe quand on oublie ses origines. Considérer invite à regarder avec attention, à examiner attentivement par les yeux et la pensée. Nous l’avons transformé en verbe réfléchi, proposant de se considérer, de se regarder l’un l’autre avec plus ou moins de lumière dans le regard, car siderare, au départ incite à regarder les étoiles. Considérer, c’est donc regarder ensemble les étoiles pour percevoir la source, les sources de lumière qui nous baignent sans même que nous le réalisions.
Considérons le monde dans son aspect lumineux, considérons notre monde, le monde Terre comme un paquebot ; et soyons là à tous les étages, de la cale au pont supérieur, en prenant en compte l’ensemble des passagers. Regardons ensemble les étoiles, elles sont une boussole permettant de naviguer conjointement vers le point que nous souhaitons atteindre.
Aïe ! Mais quel est donc ce point ? Existe-t-il seulement ? Au vu de la situation internationale, au vu des rapports interhumains, les points sont multitude et plus personne ne sait où donner de la tête, faute de têtes pensant le bien commun. Mais commençons à regarder le ciel, commençons à entrevoir le monde de plus haut pour nous percevoir sur le même bateau et non imaginer que seul ce qui existe depuis notre hublot montre la direction. Vers où allons-nous ensemble ? Le capitaine est-il porté par l’équipage ? Quel cap décidons-nous de prendre ?
Regarder ensemble les étoiles alors ne suffit plus. Il faut apprendre à regarder ensemble dans la même direction sous peine de tourner en rond et d’user inutilement l’énergie qui nous anime. Car tourner en rond, quand il ne s’agit plus de se distraire sur un manège donne le tournis et confronte à des haut-le-cœur. Pas d’autres solutions que de considérer l’autre, si nous voulons nous sortir des hoquets qui agitent le quotidien jusqu’au mal-être.
Si la considération mal menée nous mène à ne voir qu’à l’aune de nos myopies, c’est alors une sidération qui n’a plus rien de lumineux qui nous assaille. Une sidération qui nous
immobilise et nous transforme en statues. Passer de la considération à la « statufaction », c’est passer de l’espoir à la résignation mortifère et attentiste. « Bof attitude » qui empêche de prendre sa part dans l’élaboration d’une vision qui permettrait au paquebot de mettre le cap sur une destination où chacun, chacune serait considéré comme partie intégrante et intégrée du tout.
Regardons-nous pour voir dans les yeux de chacun la lumière qui éclaire la nécessité de prendre en compte toute notre communauté. Considérons-nous, c’est là notre plus grande liberté ; à défaut nous sombrons dans la critique et la peur qui nous coûte notre humanité.
C’est dommage… et dommageable.