Drôle de nom
Éminence grise, drôle de nom pour une éminence ! Drôle de nom pour désigner celui ou celle qui dans l’ombre éclaire de ses lumières, les décisions prises par tel ou telle dans une situation critique. Critique, car en devoir de choisir et d’opter pour une direction qui, une fois adoptée, portera son lot de conséquences salutaires, néfastes, futiles ou insignifiantes.
L’éminence grise est ce petit nom donné au conseiller de l’ombre qui soutient, influence et conforte les décisions prises par celui qui occupe une position ad hoc.
Mais qui donc a eu l’idée de faire d’un conseiller avisé, un travailleur de l’ombre ; qui donc lui a donné le titre prisé d’éminence en l’associant immédiatement au gris, lui évitant ainsi d’irradier sans filtre, la lumière des idées qu’il émet sans compter ?
Éminence colorée d’une teinte à mauvaise réputation ; d’une teinte sans grand éclat, d’une teinte qui qualifie tous les chats, la nuit, pour mieux traiter l’indifférenciation, et le peu d’originalité à la porter.
Drôle de nom donné à celui qui insinue subtilement ce qu’il pense devoir être, qui écrit les discours, insuffle les idées et se fait auteur pour qu’un acteur brille des mots qu’il a soufflés.
L’éminence grise est un porteur de conseils, un soutien. L’éminence grise est un autre, une autre qui se met au service de ce que le conseillé attend, un autre qui sait s’ajuster à celui qu’il accompagne en étant au plus près de ce qu’il accepte d’entendre, de recevoir et de transmettre.
Mais le gris sait aussi s’estomper pour laisser place quand il le faut à l’éminence blanche ; éminence lumineuse, éminence amoureuse, éminence permanente et déterminée en provenance d’un point d’essentiel qui fournit à chacun, à chaque instant, l’opportunité de trouver une inspiration, l’occasion de transformer une situation calamiteuse en instant paisible, le loisir de régénérer une ambiance en instillant la joie et la chance de définir la charge qui nous est confiée avec légèreté.
L’éminence blanche, c’est cette voix qui souffle à l’oreille de tous les chercheurs de vérité, cet air qui ensorcelle et pousse les êtres en quête de sens à travailler pour le bien commun. L’éminence blanche est un virus qui inocule l’amour. Par son pouvoir transformateur, elle opère en nous, à travers nous, elle fait de nous des mutants et incite toute personnalité à se mettre joyeusement au service d’une instance supérieure.
L’éminence blanche se fait alors synonyme de contagiosité exquise, de contagiosité sublime, de contagiosité légitimant notre interdépendance en dévoilant aux yeux de tous, que nous sommes du noir au blanc, tous et toutes d’éminents éléments d’une humanité qui travaille sans relâche à réaliser l’unité.
Grise ou blanche, drôle de nom donné à l’éminence, mais belle identité pour suggérer qu’il est des idées, des desseins, des ressentis secrètement suggérés, depuis des monts subtils.
Grise ou blanche, l’éminence s’invite au cœur du quotidien et vient sans autre fard dire sa présence en sortant de l’ombre. Grise ou blanche, l’éminence une fois reconnue n’avance plus incognito.