Horreur et damnation
L’horreur n’est pas une erreur. C’est ce qui vient réveiller les consciences qui sont endormies ou qui s’étaient endormies dans un déroulé oublieux d’essentiel. Elle vient comme un séisme bousculer les certitudes qui s’étaient installées, sans même que nous réalisions l’importance qu’elles prenaient.
Quand plus rien ne vient réinterroger le quotidien, quand plus rien ne vient l’émerveiller, quand plus rien n’est une surprise, l’existence devient pensum, habitude, absence de goût pour la découverte.
C’est bêta !
C’est bêta, mais aussi, sacrément intelligent, car la vie et son lot de remaniement nous obligent à prendre conscience de ce qui est juste et ce qui ne l’est plus, de ce qui est adapté et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est bon, bien, vrai et d’abonder bon an, mal an dans le sens d’un préférable à définir.
L’horreur assène un plus jamais ça qui saisit et impose une réaction.
Réaction instinctuelle de survie.
Réaction émotionnelle qui réveille des pulsions ajustées, ajustables ou déjantées.
Réaction mentale qui tente de comprendre, d’analyser et de circonscrire les problèmes pour leur porter solution.
Horreur et damnation ! Nous sommes les damnés de la Terre qui devons sublimer une part de la douleur du monde. Pour cela, l’horreur doit être déconnectée de la vengeance qui n’est qu’attitude boomerang, en mal de savoir-être.
L’horreur est une vibration tapie en chacun qui jaillit quand des situations nous brusquent, nous glacent, et exposent un possible que nous refusions de voir ou d’imaginer. L’horreur réveille notre indignité et nous invite à la transmuter pour que nous nous sentions appartenir au réseau humain, au cercle des êtres de bonne volonté.
Se laisser saisir par l’horreur montre notre humanité.
Se laisser gouverner par l’horreur dit notre incapacité à penser et à dégager des voies de libération. Pas simple de percevoir dans l’événementiel qui impacte nos réalités, l’essentiel en passe de s’incarner.
Mais, nul ne fait d’omelette sans casser des œufs ; dès lors inutile de condamner celles et ceux qui ont brisé les coquilles. Optons pour cuisiner ensemble la substance qui en émane et concourons au mieux de notre communauté. C’est cette marche vers le mieux commun qui nous est proposée.
Aucune expédition punitive n’a jamais annulé l’horreur passée ; nettoyons donc nos consciences de l’esprit de vengeance pour œuvrer ensemble à la réconciliation générale. C’est possible, si nous travaillons chacun, chacune à nos propres réconciliations, si nous installons la paix dans l’ensemble de nos espaces subtils et manifestes.
Ça, on le sait ! Peut-être pas depuis toujours, mais on le sait !
À nous donc d’habiter l’espace et le temps de nos réconciliations, pour extirper du présent tous les germes d’horreur et semer ce que nous voulons voir croître dans le monde.
Il est des choses que nul ne peut faire à notre place ; c’est bêta, mais c’est comme ça.