Nous sommes des puits d’ignorance qui empruntons les chemins de la connaissance pour trouver des repères dans la vastitude de l’inconnu. Nous sommes des puits d’ignorance et c’est tant mieux ! Le savoir permet de ne pas se penser arrivé, de ne pas s’accrocher absolument aux petites bornes qui jalonnent nos espaces, de ne pas croire qu’à l’apparence ou aux savoirs déjà délivrés.
Si nous n’étions pas ignorants individuellement et collectivement, nous n’aurions plus à apprendre ; nous n’aurions plus à comprendre ; nous n’aurions plus à découvrir ; nous n’aurions plus à chercher ; tout serait là, connu et le mystère aurait disparu.
Se savoir ignorant inscrit dans une démarche évolutive, car s’imaginer savoir ou pleinement réalisé stoppe dans nos avancées sur le chemin du devenir.

L’avenir est forcément hypothétique, car il n’existe pas avant d’advenir, et une fois advenu, il est déjà passé ! Il détient les possibles comme les impossibles qui ne sont pas encore envisagés.
Nous sommes des puits d’ignorance évoluant dans un monde qui se présente à nous dans sa totalité, mais que nous ne percevons que dans les limites de nos potentialités limitées. Et c’est heureux !

En réalisant que les champs de nos connaissances, de nos expériences ne représentent qu’un grain de sable dans l’océan universel, nous avons l’opportunité d’entrevoir un prochain pas, accessible, à portée de conscience et l’occasion d’entrer en humilité.
À l’inverse, quand nous nous gorgeons de ce que nous savons pour nous rassurer, pour impressionner, pour exister, ou tout simplement pour nous occuper, nous siégeons au royaume du moi qui coupe du secret de la communauté.

Car ce que nous dit notre ignorance, c’est que nous n’avons pas encore perçu, compris tous les rouages du vivant, que la Vie est, mais que nous n’approchons son évidence que sous couvert d’un nombre restreint de ses expressions.
C’est parce que nous sommes un puits d’ignorance que nous pouvons nous ouvrir à ce que nous ne savons pas et pénétrer au-delà de l’apparence, au-delà de ce qui a déjà permis de nous situer sur le chemin, au-delà de l’immédiatement perceptible, pour conquérir les terres vierges dont se pare l’ignorance.

Saluons-les et saluons l’ignorance qui invite inlassablement à l’exploration. C’est elle qui doit être révélée, non pour condamner la connaissance, mais pour la faire croître en considérant qu’elle n’est jamais qu’une marche pour gravir l’escalier des mystères.
La connaissance c’est le fil magique qui pénètre l’infini subtil et invite muettement tous celles et ceux qui se savent appartenir à un tout, à s’arrimer à cette corde d’alliance pour partir en reconnaissance de ce qui est, y compris quand on ne peut pas l’identifier. Nos identités véritables en dépendent et cela forcément relativise notre importance.

Mais évidemment, il y a ignorance et ignorance !
Si tu ignores que tu es un puits d’ignorance, tu risques fort de te prendre pour ce que tu n’es pas, mais seule l’expérience permet d’éclairer les obscurités au cœur desquelles chacun avance.
Ne l’ignorons pas !