La preuve par l’oeuf
Il ne sait pas où ça commence, il ne sait pas où ça finit, mais depuis le commencement et sans doute jusqu’à la fin, l’œuf engendre la poule et la poule fait de même en le multipliant. Drôle d’existence ; un œuf, une poule et des milliers de poussins qui s’égaillent, oubliant qu’ils viennent de l’œuf d’une poule qui, elle-même, vient de l’œuf d’une autre poule. Dans cet oubli, chaque poule se croit unique, issue d’un œuf unique et nul ne peut contredire cette vérité s’il ne conçoit l’origine qu’à partir d’une poule prise en flagrant délit d’intérêt pour elle-même. Un œuf, une poule, mais pourtant une œuvre magistrale !
Mais l’unique est multiple ; il ne se laisse approcher qu’à travers toutes les unités issues du Un hypothétique et pourtant bien réel, car sans lui, rien ne saurait exister.
Depuis que les poules existent, chacun se demande par quelle opération du Saint-Esprit est advenue la création. Quel est l’œuf de l’univers et quelle est sa poule ? Question métaphysique que la poule au pot a occultée pour venir remplir les assiettes du paraître et occulter les questions qui occupaient l’être.
C’est compliqué, c’est compliqué, tout est plié ensemble dans un univers dans lequel on se perd dès lors qu’on cherche à en épouser tous les plis.
C’est compliqué, car dans le monde du tangible, les mystères cherchent une solution à trois dimensions. Or le monde a d’innombrables dimensions et ce n’est pas en le réduisant à l’aune de notre compréhension que l’on peut en découvrir le fonctionnement, le connaître intrinsèquement, ou reconnaître qu’il est nous, que nous sommes lui, mais que derrière cette évidence qui échappe, il nous faut découvrir ce qu’est foncièrement l’unité.
C’est compliqué quand on s’attache aux définitions, quand on croit aux définitions, car les définitions enferment dans les dimensions mentales qui ne sont que les briques d’une cathédrale dont les clochers touchent l’Un, l’œuf initial.
Et nous revoilà devant les mystères de la création ; nous savons que tout a un début et une fin, nous croyons dur comme fer au processus qui lie l’origine et la finitude, mais nous occultons que les cycles permanents de début et de fin viennent dire l’absolue impermanence du monde qui pourtant ne cesse se renouveler. Paradoxe de la vie qui se présente et se retire non pour mourir, mais pour inviter à la pénétrer dans les arcanes de l’inconnu, pour venir dire à la poule qu’elle vient d’un œuf et qu’elle est là pour en pondre.
Ça n’a l’air de rien, mais c’est là, la preuve par l’œuf.
Bla-Bla, mais ce bla-bla n’est pas pour autant parler pour ne rien dire, car même quand nos paroles sont vides, elles viennent dire quelque chose d’un état intérieur qui cherche à se remplir ; et s’il ne trouve à dire que du futile, c’est pour mieux chercher l’utile ou le subtil qui échappe, tout en signifiant qu’il est là, quelque part, accessible si nous changeons de regard.
Il y a toujours un début, une fin et un recommencement et chaque cycle ouvre sur un paysage plus grand, car chaque poule issue d’un œuf en pond quelques centaines pour ensemencer le monde d’un nouveau centre créateur.
Ainsi l’opération du Saint-Esprit trouve sa validité dans la preuve par l’œuf.