La rancune
Paraît que nous sommes Un… La belle affaire !
Paraît que nous sommes Un et indissociablement liés, malgré les apparences et ses multiples déclinaisons. Eh bien, ça ne paraît pas !
Pourtant, nous sommes Un ; liés, interreliés, connectés par des liens éthériques, mais pas que…
Des liens affectifs, des liens mentaux, des liens causaux, des liens tous azimuts collent à la peau, à la conscience, mais plus encore à l’inconscience des humains en chemin.
Les sentiments que nous avons les uns pour les autres se propagent sur une trame multidimensionnelle et colorent l’ensemble du réseau de nos émois et des divers envois que nous adressons à tel ou telle. Mais si nous sommes indissociablement liés, nous ne sommes pas pour autant aliénés les uns aux autres. Nos émois ne deviennent geôles que lorsqu’ils enferment dans des vécus d’hier qui empoisonnent le présent de difficultés passées. Il en est ainsi de la rancune ou de la haine ; elles collent à l’éther au point d’engluer nos pensées, nos désirs, nos agirs et obstruent nos devenirs.
La rancune marque un moment de difficulté, un moment d’incompréhension ou un moment d’irrespect, à l’encre indélébile ; par cette empreinte ineffaçable, elle attache et accuse l’autre d’être responsable de faits mal venus et toujours pas digérés.
La rancune invite le passé au présent et lui offre une éternelle jeunesse ; elle revisite l’hier jusqu’à la jouissance malsaine, pour ne pas avoir à tirer un trait sur ce qui est depuis longtemps derrière nous. Mais non, pas question d’oublier ces méfaits, ses souffrances, ses douleurs, ses gnagnagna qui nous occupent sans que l’on ait à faire d’effort. Car la rancune est facile à entretenir. En revanche il est beaucoup plus difficile de s’élever au-dessus de la mêlée des embrouilles diverses pour en comprendre, l’essence, le sens et l’opportunité.
Quand la mémoire s’attache à cultiver ce qui un jour fut douloureux, dérangeant ou insupportable, il est question du passé. Mais celui-ci n’est plus et nous le ravivons pour les besoins de la cause, pour justifier notre rejet, notre colère ou notre haine. Là, ce n’est plus l’autre qui est cause de nos ressentis, mais c’est bien nous qui reconvoquons régulièrement dame rancune pour qu’elle parte à l’assaut de cet affreux ou de cette affreuse qui nous a nui, dans le temps.
Et si nous changions de regard ? Si nous imaginions que ce différend qui nous lie à un autre pourrait être un fil permettant de dénouer la pelote de nos mal-être ? Commençons par réaliser que ces relents de passé sont occasion de travailler plus avant ce qui agite nos corps intérieurs pour leur permettre de résoudre des problèmes installés à domicile depuis trop longtemps. Car à quoi sert un problème si ce n’est à trouver une solution ? À quoi sert un problème ressassé de façon pérenne ? Rien de tel pour le renforcer à l’envi sans la moindre envie de le résoudre. La rancune est une prison. Or le pouvoir de sublimer nos ruminations pour retrouver une liberté d’être est à portée de conscience. Il suffit d’établir en soi de justes rapports pour les exporter ensuite vers tous nos congénères.
Nous sommes Un et indissociablement liés. Prenons donc soin de nous.