Mensonges
Les mensonges ont mauvaise réputation ; ils semblent être de vilains mots dans la bouche de qui les émet quand ils sont découverts.
Pourtant, ils parlent sous couvert de galéjades, de vérités espérées, souhaitées, inventées, plausibles, réalisables qui viennent s’immiscer en lieu et place d’une réalité qui pour une raison ou une autre est insatisfaisante.
Mensonges sur nos idées, nos émois, nos actions mal assumés, par crainte du rejet, de l’incompréhension ou celle de ne pas être à la hauteur. Mensonges, mais mise en conformité avec ce que nous projetons ; mise en conformité avec ce que nous supposons des attentes de l’autre, individu, groupe ou société ; mise en conformité pour avoir la paix, mais mise en conformité de surface qui vient dire l’écart entre ce que nous sommes et ce que nous aimerions être, entre ce que nous sommes et pensons devoir montrer.
Le mensonge prête alors des actes, des vécus intérieurs étrangers à son auteur ; il décrit un éventuel, tout en actant une incapacité temporaire à découvrir la voie qui y conduit.
Il présente comme acquis des potentiels latents et va parfois jusqu’à donner au rêve un statut de Réel qui l’enkyste en le rendant identitaire.
Mais le mensonge est précieux quand il dévoile ce que l’on cherche à cacher ou trahit de secrètes aspirations ; il inscrit sur l’endroit d’un décor quotidien le négatif des faiblesses qui, une fois reconnues, trouveront des voies de réalisation.
Le mensonge n’affiche donc pas exclusivement misères ou inaptitudes ; il exprime aussi son lot d’envies, de souhaits, de rêves ; il vient dire le désir d’une autre réalité et propose un regard sur ce qui pourrait être.
L’idéalisation d’un objectif peut alors inhiber l’ardeur qui pousse à l’atteindre ou à le porter sans complexe ; ce vent d’inatteignable attise les braises du mentir qui occupent alors pleinement l’espace déserté.
Le mensonge est un songe qui ment, tout en offrant la vision d’un possible ; il pose les panneaux indicateurs qui y mènent et trace les chemins d’accès à une future vérité.
Le courage d’être vrai exige d’interroger les choix, les arrêts sur image, les certitudes présentes ou en devenir, qui définissent, conditionnent et fournissent les opportunités de nos réussites ou de nos échecs ; à défaut nous risquons le flagrant délit de mensonge qui prend pour vérité, un vrai d’hier devenu menterie, faute d’avoir su cultiver sans fard, l’authentique du vivant au cœur de nos champs d’expression.
Mensonges de nos mémoires qui se disent vérités, en traitant essentiellement ce quelles affectionnent, pour mieux asseoir leurs dires à moitié mensongers et leur donner le goût d’alibis incontestés.
Entre mensonges et vérités, la danse d’une présence en quête d’authenticité.