Les raisons de la colère

 In La rubrique de Frédérique

Tonitruante, elle peut effrayer. Froide elle peut glacer. Mais quand elle se fait sourde, sournoise, quand elle s’insinue dans nos souffles, sans être reconnue, elle conditionne l’existence au-delà de la conscience.
La colère fait tâche, mais quand elle se cache, elle empoisonne, emprisonne subtilement pour mieux protéger celles et ceux qui l’adoptent pour rempart. Elle crie muettement, l’air de rien en se parant du masque de l’acceptable ; elle interdit d’approcher quiconque risquerait de blesser, et pour éviter de se tromper, elle va jusqu’à barrer l’accès à tous, histoire de n’avoir pas à pleurer.

Elle joue parfois à « qui perd gagne », en refusant les affrontements ou en les soutenant dans un « jusqu’au boutisme » qui se veut identitaire, c’est selon…
Quand elle lutte contre l’impuissance, elle se travestit sous des habits de maîtrise ; quand elle domine un sentiment d’abandon, elle joue un « je n’ai besoin de personne » qui laisse pantois celles et ceux qui s’attachent à l’apparence.

Ainsi la colère est reine au pays du « c’est moi qui décide », car elle apparaît comme une volonté farouche d’indépendance qui croit éradiquer la souffrance de l’absence, du mal d’amour et la vulnérabilité.
Confrontée à la peur ou à la douleur, elle donne à voir des  » même pas mal », des « c’est pas grave » qui viennent dire dans un éclat de rire que rien ni personne n’auront raison de cette armure qui protège de la dépression.
Car la colère est aussi une cuirasse qui préserve de l’envie d’en finir ou d’abandonner, en mobilisant des forces pour ne pas sombrer. C’est une énergie, qui agite et donne l’illusion d’un mouvement de vie, là où elle n’est parfois que survie.

Mais si la colère laisse croire qu’elle protège de la douleur, elle isole aussi de la rencontre ; elle tend le corps et l’esprit dans un inconfort qui se voulait au départ protecteur. La colère sous ses divers aspects, occulte et rejette la surprise, ce clin d’œil du présent qui déstabilise et propose une brèche vers l’inédit, l’imprévu, les autres points de choix, enfouis sous des oripeaux choisis.

Toute colère qui interroge, donne cependant l’occasion d’un changement et en cela, elle devient salvatrice. Décider de troquer sa colère pour de nouveaux rivages, tenter d’ouvrir doucettement la porte à l’esprit de paix est une délicate et périlleuse entreprise.
Accepter d’abandonner sa carapace un temps, pour s’habiller de neuf, invite à reconnaître sa fragilité et à l’exposer sans l’identifier à de la faiblesse. C’est un acte de courage qui conduit sur un chemin de confiance et permet à chacun, à chacune de s’ouvrir à la beauté de notre communauté.
Dans les prés carrés de nos colères et de nos ressentiments, nous focalisons sur la douleur. Or, là où l’on ressent la douleur n’est pas le mal, et là où est le mal n’est pas la solution.

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