Réponds-moi !
Dans les relations humaines, le réponds-moi est toujours formulé par un autre à notre endroit, ou adressé à autrui si nous en sommes l’auteur. Destiné à un alter ego, il signe un besoin de reconnaissance, car un réponds-moi envisage toujours d’être entendu, pris en compte, et suivi d’effets. Réponds-moi attend de l’interlocuteur qu’il prenne acte et éclaire par sa réponse la demande explicite qui lui est destinée.
Il peut s’avérer difficile de satisfaire un réponds-moi si nous manquons de subtilité et de connaissances nécessaires, si nous n’avons pas envie d’y donner suite, ou que nous n’entendons pas l’injonction, histoire de n’avoir pas y souscrire. Là, nous voilà à l’abri, bottant en touche par un tour de passe-passe, une ruse relationnelle qui protège, cherche une échappatoire ou délivre une silencieuse, mais puissante agressivité par l’expression muette d’un non-recevoir.
Mais lorsqu’il s’agit de répondre à un plan, à un appel, à un impératif supérieur, les mêmes processus sont à l’œuvre. Si les mots sont là, ils ne traduisent pas forcément ce qui est clairement demandé ; ils s’agitent dans des réservoirs de vocabulaire, mais nous ne savons pas les agencer pour donner corps à ce qui se propose.
Répondre à la proposition d’amour, c’est accepter de s’oublier, de quitter le moi je, pour le je suis qui engage sur la route qui mène à l’impersonnalité. De la même façon qu’une absence de réponse peut déstabiliser tout individu lambda, les sages qui nous précèdent et ne connaissent plus ces états doivent pourtant faire preuve d’une infinie patience devant toutes nos inconséquences et nos sourdes oreilles.
Chaque fois que nous nous adressons à un autre, ou qu’un autre s’adresse à nous, un vecteur d’unité se propose. À nous de l’activer ou de l’ignorer !
Répondre est un choix, mais il ne suffit pas de choisir pour répondre correctement ; il faut encore savoir qui en nous s’applique et s’implique dans la réplique.
Répondre à l’amour, impose de renoncer au bien propre, à la satisfaction du désir personnel qui inéluctablement entretient la voie de la séparativité.
Répondre à l’amour, c’est cesser de thésauriser, c’est s’offrir, ne plus s’accorder une importance démesurée pour se consacrer réellement à l’appel de l’essentiel qui intime de répondre à la présence.
Quand la capacité d’entendre la note de l’âme et d’y souscrire s’aiguise, la solitude n’existe plus, car reconnaître l’autre, petit ou grand à chaque instant, c’est lui répondre sans répliquer, sans contredire, sans se fâcher, sans vouloir avoir raison, c’est lui répondre pour concourir en s’oubliant à faire entendre un chant d’unité.
C’est une drôle de réponse, un réponds-moi qui n’est plus convocation, mais joie de s’adonner au service. Répondons ensemble, répondons-nous et donnons à l’ensemble. C’est là, un de nos choix les plus vertueux.
Et si tu es d’accord, ne me réponds pas, réponds-y !