Solitude du coureur de fonds
L’essentiel est exigeant, il impose de choisir au-delà du futile ce qui concourt à l’utile pour la communauté. Il demande non plus de courir après satisfactions et plaisirs, mais de s’atteler à chaque instant à déceler le fonds niché dans les formes, qui se dit, se masque ou se laisse entrevoir pour transmettre à celles et ceux qui le devinent, le goût de poursuivre l’aventure. Mais nul ne court à la place d’un autre sur ce chemin de découverte qui est voie de transformation, occasion de mutation et de remise en question.
Solitude du coureur de fonds en quête de bien, de beau, de vrai, qui se doit d’interroger inlassablement l’évidence d’hier pour qu’elle ne devienne pas certitude qui arrête la course.
Courir sur les traces d’une vérité perpétuellement à découvrir, mais qui aimante imperceptiblement, aide à dépasser les acquis suffisants et donne à chacun l’occasion d’offrir le potentiel qui l’habite au-delà du confort de l’habitude, fût-elle sage, savante, aidante ou gratifiante. Au fond, au fondement gît le fonds fondamental et fondateur, l’essence qui donne corps à l’existence, aux événements, aux mots, aux paroles et aux actes.
Solitude du coureur de fonds qui a pour mission de rejoindre ce point source, derrière les méandres de son expression, d’en extraire le précieux, de le révéler et de s’en faire porteur.
En ces temps d’apparences trompeuses, les émois suscités par l’actualité particulière et collective deviennent ça et là, tsunami d’horreur ou de bêtises. Devant le spectacle du mensonge, du malsain, du fanatisme et du séparatisme, il est urgent de résister et de poursuivre le marathon sans sombrer dans la désolation. Celles et ceux qui pétris de peurs conscientes ou inconscientes, adhèrent aveuglément à un dogme, un discours, une image et réagissent dès que le monde tourne à l’inverse de leurs envies, doivent être accompagnés, éduqués, mais avant tout compris. Ce n’est qu’en reconnaissant le désarroi qui les anime et en le prenant en compte qu’ils pourront commencer à exercer un discernement salvateur et sortir d’un égoïsme assassin.
Solitude du coureur de fonds qui doit adapter sa foulée à celles et ceux qui suivent sans savoir, à celles et ceux qui crient haut et fort leur foi, s’embourbant allègrement dans les non-sens de leurs existences, car ce n’est pas dans l’entre-nous confortable des gens qui se comprennent que progresse l’humanité.
Quel que soit le chemin parcouru, il est toujours questions qui fusent pour venir chercher dans l’intériorité la plus profonde, la réponse la plus juste aux difficultés du moment.
Solitude du coureur de fonds qui ne peut répéter les solutions d’hier sans risquer l’enlisement dans les formes qui isolent du vivant. Par lui passe la responsabilité de semer espoir et joie sur la route du quotidien, au risque d’être incompris, raillé, vu les tourmentes de nos temps modernes ; mais il est bon de savoir qu’au-dessus des nuages, le soleil dispense sans faillir et sans compter l’énergie qui nourrit toute vie.