Y’a pas photo
Y’a pas photo, un jour sans soleil c’est toujours moins bien qu’un jour de soleil ; pas vrai ?
Mais quand la canicule est là, que la sécheresse brûle et rend atone tout ce qu’elle touche, y’a pas photo non plus, et on apprécie alors les jours sans soleil, voire même les jours de pluie !
Y’a pas photo, pour venir dire ce qui est juste à tout instant du quotidien ; mais y’a toujours l’œil du photographe qui ne capture pas d’image, qui ne range pas dans son catalogue à idées ce qu’il observe, car y’a pas photo qui se voudrait cliché éternel et il n’y a rien qui signe de façon absolue une réalité. Vue de face, avec un pas de côté, ou avec des filtres déformants, la photo qui s’érige en preuve est souvent regard partial sur les évènements du temps. Et l’artiste photographe le sait, contrairement aux addicts des instantanés qui collent à l’apparence et en oublient toute distance.
Pas besoin de photo pour attester de la justesse ou de la vérité de ce qui est. Pas besoin de photo, car le vrai d’aujourd’hui se périme, quand il s’attache à dire un présent qui, à peine vécu, est déjà passé.
Chaque jour, le monde alentour affiche de multiples tableaux sur lesquels se posent des regards aimants, des regards critiques, des regards apeurés, des regards attentifs ou des regards distraits ; des regards qui photographient ce qui leur parvient, sans toujours savoir ce qu’ils captent. Car nos regards envieux, admiratifs ou reconnaissants s’arrêtent sur les seuls miroirs capables de refléter nos états intérieurs. Or, à force de regarder sans prendre le temps d’ajuster notre vision, nous semons à tout vent des vues en passe de nourrir, d’embellir ou de polluer le monde au sein duquel nous évoluons.
Y’a pas photo, rien n’est figé et le mouvement inhérent à la vie vient nous dire combien il importe de se détacher de ce qui aujourd’hui ou hier nous a paru juste, évident, prouvé pour se tourner vers le juste, l’évidence et la preuve en train de se dessiner. Mais cela demande de poser un œil conscient sur les énergies qui portent la vie et nous pénètrent à chaque inspiration afin que nous puissions les irradier à l’expiration.
C’est une possibilité à explorer chaque matin, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, chaque instant. À défaut nous nous engourdissons à regarder l’album du passé, le magnifiant ou le dépréciant et le recréant à partir des photos d’hier sans chercher à cultiver au présent, l’avenir qui se construit collectivement.Y’a pas photo et c’est tant mieux, car la vie est un grand cinéma ; elle est animée, elle nous anime et nous invite à donner ensemble notre quote-part au dessein animé.
Dessein, E.I.N, cela va sans dire.